blogs.fr: Blog multimédia 100% facile et gratuit

TERANGA

Blog multimédia 100% facile et gratuit

 

BLOGS

LE BLOG D'AS MALICK NDIAYE

LE BLOG D'AS MALICK NDIAYE

Blog dans la catégorie :
Littérature

 

Statistiques

 




Signaler un contenu illicite

 

TERANGA

LA PARITÉ DOIT SURVIVRE AU SÉNÉGAL

 

Sommes-nous une nation de réactionnaires ? Dans la nébuleuse éthique du « maslaa », du « kersa » et du « sutura », les Sénégalais se sont spécialisés dans l’art du louvoiement et du silence complice. Courageux Moustapha Diakhaté dans sa position à propos de la liste non paritaire pour les élections locales à Touba. En expliquant clairement et simplement en quoi cette liste proposée par les autorités religieuses de Touba n’était pas compatible avec le cadre défini par la constitution, il nous rappelle que le Sénégal ne peut cesser d’être ce qu’il se réclame d’être : un pays libre où les citoyens doivent être libres de leur parole. C’est simple et parfaitement recevable : jusqu’à preuve du contraire il existe une loi qui demande à présenter des candidats hommes et femmes sur une base de parité. Cette loi, j’y souscris et  je la soutiens.

Tout Sénégalais qui se respecte éprouve sinon une sincère affection, au moins beaucoup de considération pour nos guides spirituels. Cette affection et ce respect sont-ils incompatibles avec l’idéal de justice globale que véhicule la parité ? Si le Sénégal se targue d’être un pays laïc avec les principes d’égalité et de justice chevillés à sa constitution, si nous pensons que tous les Sénégalais ont un droit à l’éligibilité selon des termes déjà définis par la loi, nous devons défendre ces principes au nom de la cohérence et de la vérité.

J’ose espérer que les intellectuels (qu’on entend rarement lorsqu’il s’agit de se confronter à l’ordre établi) et les citoyens Sénégalais défendront non pas seulement la loi sur la parité, mais l’idée qu’aucune portion du territoire national n’échappe à la constitution. Et je suis de ceux qui refusent de brandir les arguments religieux et culturel pour s’opposer à cette loi. Il est trop facile d’attaquer le féminisme, valeur supposée importée, pour se ranger derrière une décision anticonstitutionnelle. Alors qu’il y a quelques semaines, on se vantait encore d’être le 7ème pays avec la plus forte représentation parlementaire féminine au monde. Quand cela ne nous arrange pas on est frappé d’amnésie.

Je ne suis pas un érudit en sciences islamiques, mais je n’ai appris ni dans l’histoire de la religion, ni dans le coran que la loi sur la parité dans les affaires de l’Etat était anti-islamique. Quand bien même on mettrait en avant l’idée que l’islam met en garde les nations contre le fait de confier leurs destins à des femmes, il ne s’agit pas de cela dans la parité. Il s’agit de confier à part égal la gestion de la cité aux hommes et aux femmes. Il est aussi absurde de parler de domination des femmes, de castration symbolique alors les hommes continuent de dominer la vie sociale, politique et économique. Dans ce cas, retirons les filles de l’école, confinons-les à des tâches subalternes et confions exclusivement aux hommes le leadership.

Il suffit de chercher un petit peu dans l’histoire pour trouver des exemples de femmes qui ont régné avec plus ou moins de bonheur dans le monde islamique. Je mentionnerai ici la sultane Chajar ad-Durr qui a régné en Egypte entre 1250 et 1257 de notre ère (Voir les Sultanes Oubliées de Fatima Mernissi). Non pas qu’elle fut la plus grande souveraine en terre d’islam, mais son exemple est édifiant parce qu’elle était en plus une esclave affranchie. Les Mamelouks ayyoubides étaient-ils moins croyants que les Sénégalais d’aujourd’hui ? J’en doute. Etaient-ils plus progressistes ? On n’ira pas jusque là dans un pays où l’un des personnages les plus puissants de l’Etat, le Premier ministre, est une femme.On n’ira pas jusque là parce que dans les sources même de notre identité, on retrouve la femme dans un rôle autre que celui de faire valoir.

Et puis, faut-il le rappeler, le Sénégal n’est pas une république islamique. Et lorsque qu’on se penche sur les civilisations traditionnelles africaines, notre continent est historiquement celui qui a compté le plus de femmes souveraines dans le monde. Il n’est même pas besoin d’aller chercher une Reine Pokou ou une Sarraounia, Le Sénégal se donne Ndiembët Mbooj, Ndaté Yalla, Aline Sitoë Diatta comme références et elles en sont. Tout cela, il est évident que les autorités religieuses du Sénégal le savent et il est à parier qu’elles ne se poseront jamais comme des obstacles à la promotion d’un leadership féminin.

La question n’est donc pas de savoir si la parité est juste ou pas, conforme à nos valeurs et réalités ou pas. Ce débat, il aurait fallu le tenir lorsque la loi sur la parité avait été proposée. Si l’idée leur était aussi insupportable, ceux qui brandissent aujourd’hui l’argument identitaire auraient pu exiger un référendum sur la question. La question, c’est la perception d’un Ndigël et son impact dans le principe d’application de l’ordre constitutionnel. Est-ce que le Ndigël est compatible avec la république du Sénégal ? L’idée d’un statut spécial de Touba qui justifierait une exception n’est pas recevable à mon sens. La vérité dans cette affaire, c’est qu’accepter une liste non conforme aux textes dans un Etat de droit risque de créer un dangereux précédent. Nous sommes une république et la loi de la majorité l’emporte sur les considérations religieuses ou confrériques. Aussi respectables et respectées que puissent être nos obédiences, on ne peut pas accommoder les lois d’un pays à selon la volonté d’une ville. En fait de statut spécial, reconnaissons au moins que Touba n’est pas la seule cité religieuse au Sénégal. Et si l’on poursuit le raisonnement par l’absurde, on peut alors exiger que le moindre petit village érigé par un saint puisse réclamer un statut spécial. Au nom de quoi si on accorde un statut spécial à Touba, on ne l’accorderait pas à Ndiassaan, Yoff, Tivaouane, Popenquine, Baghère, Pire, Madina Gounasse, Mandina, Madina Yoro Fulla? L’idée que quelqu’un puisse détenir un titre foncier sur une ville me semble de la même manière irrecevable car elle met à mal l’intégrité du territoire. Depuis plusieurs décennies, en cherchant à s’attirer les bonnes grâces des chefs religieux, les politiques sèment le germe de la fitna dans nos communautés. Voilà aujourd’hui le grand test qui leur est proposé. Choisir entre la nation ou la soumission à l’ordre confrérique.

Des Sénégalais ont signalé le risque d’amalgame avec la Casamance. Comparaison n’est pas raison leur répond-on. Touba n’a rien à voir avec la Casamance. Certes, mais il ne faut pas oublier que la moindre fissure dans le socle de la souveraineté nationale, la moindre concession que l’Etat fera sur l’obligation de respecter la constitution nationale, peut avoir des conséquences au delà des intentions.

Lorsqu’on mélange la question de la parité et celle du féminisme arguant qu’il s’agit d’un concept importé, on se trompe de combat. Et deux fois. D’abord parce que c’est faux. Ensuite, certaines valeurs mêmes importées ne sont pas toutes négatives. L’ordre patriarcal qui régit le monde est en train de vaciller. Il semble normal que les hommes s’accrochent à leurs privilèges même si cela doit les conduire à renier les principes les plus élémentaires de la justice sociale. Mais s’il y a une chose dont je suis convaincu, c’est qu’on ne peut par arrêter la marche de l’histoire. Surtout pas en plaçant son fauteuil à contre-sens. J’espère que le Khalife dans sa grande sagesse mettra fin à cet imbroglio en offrant une sortie honorable à un peuple qui l’estime.

 

Une culture de la paix pour se libérer de la tutelle militaire

 

Cette semaine, la question militaire était d’actualité. C’était la fête nationale du Sénégal. Par ailleurs, le Rwanda a officiellement réitéré la responsabilité de la France dans le génocide de 1994. Et dans le cadre de la 45ème convention de la North East Modern Languages Association, j’ai participé avec des universitaires africains à deux panels pour discuter d’une question qui nous préoccupe tous : la stratégie militaire de la France en Afrique. Il s’agit d’une problématique absolument critique et nous aurions tous souhaité qu’une telle table ronde se tienne sur les bords de la lagune Ebrié plutôt que ceux de la Susquehanna river en Pennsylvanie.

Les relations militaires entre l’Afrique et le monde occidental constitue un champ de recherche immense et nécessite un travail archéologique sérieux que les gouvernements africains devraient encourager.  D’une part, cela permettrait de créer un cadre d’investigation formel pour révéler aux yeux des Africains la feuille de route des puissances occidentales sur le plan militaire, mais surtout (l’aspect le plus important) de réfléchir aux réponses stratégiques concrètes que les États africains peuvent y apporter. À vrai dire, les ressources sur la politique occidentale en général, et française en particulier, sur l’Afrique sont déjà disponibles. L’enjeu, c’est de les interroger avec des grilles de lecture africaines. Mon collègue Moussa Sow du collège of New Jersey, observateur avisé de la politique africaine de la France, a fait une brillante analyse du livre blanc du sénat français intitulé « l’Afrique est notre avenir ». Dans sa communication, Moussa Sow a développé une réflexion antithétique (« La France n’est pas notre avenir ») qui mérite une attention particulière.  La question qui ressort de l’analyse de Sow, c’est celle de savoir si les experts gouvernementaux en Afrique ont, ne serait-ce que parcouru ce document à la portée de tous et qui finalement montre sans ambiguïté une vision encore condescendante et hostile aux intérêts de notre continent. A sa lecture, on peut imaginer ce qu’il en est réellement dans les documents classés secret défense.

Pour ma part, je me suis intéressé aux enjeux idéologiques et aux intérêts stratégiques qui sous-tendent le maillage du territoire africain comme théâtre d’opérations effectif ou potentiel. J’ai retenu deux principes importants dans le titre de ma communication : idéologie et stratégie. Ces deux notions ont guidé la politique française en Afrique depuis ses origines. La question était de savoir si les indépendances africaines ont changé quelque chose dans l’approche stratégique et idéologique de la France vis-à-vis de l’Afrique.

Pendant la colonisation, les troupes françaises avaient une mission de conquête et de défense. L’argument moral et l’argument juridique n’étaient pas difficiles à trouver : d’une part, il y avait la sacro-sainte mission civilisatrice (dont Césaire a dit qu’elle justifiait tous les massacres) et puis d’autre part, les différents traités et accords militaires avec les rois et sultans africains (ou les autres puissances coloniales) justifiaient aux yeux de la France une présence militaire plus ou moins accrue dans les « colonies » et les protectorats. En ce qui concerne la dimension stratégique, j’en ai surtout exploré la forte connotation politique, c’est à dire, « l’art de coordonner -au plus haut niveau de décision- l’action de l’ensemble des forces militaires de la Nation pour conduire une guerre, gérer une crise ou préserver la paix. »  La conclusion est que la démarche a évolué  mais le principe est le même. Et du point de vue de la vision globale, aucun gouvernement africain n’explore les pistes des réponses à apporter dans ce rapport de force.

Il serait trop long de développer tous les points qui m’ont intéressé. J’en livre ici les grandes lignes qui étaient : l’analyse des concepts, l’étude du dispositif français en Afrique, le modelage du terrain Africain par l’histoire militaire française, l’autisme stratégique des Etats africains (la notion d’autisme stratégique empruntée à l’Américain Edward Luttwak, auteur de Strategy : the logic of War and Peace) et les orientations possibles pour la construction de la paix et de la sécurité.

On peut se demander quel intérêt la France a de maintenir sa présence militaire plutôt que de privilégier une présence diplomatique. Les réseaux de la Françafrique étant toujours aussi actifs. Il y a des raisons économiques et historiques évidentes. Mais Il y a par ailleurs des impératifs sécuritaires qui poussent Paris à garder un dispositif d’intervention sur le continent. La façon de faire la guerre a changé. L’Europe n’est plus une zone de conflit potentiel (en tout cas depuis quelques décennies). Elle est plus que jamais dans une stratégie d’exportation de la pratique militaire. Comment aguerrir les hommes, comment les mettre en situation ? Il est nécessaire de trouver des zones d’opération. La France a des soldats formés pour faire la guerre, il faut trouver des lieux pour les occuper par des exercices effectifs. Et l’Afrique est l’endroit idéal pour cela. Elle permet à la France de :

-         Marquer militairement son territoire face à des rivaux comme les USA (la rivalité n’empêchant pas une coopération au détriment des Africains).

-         Cantonner de nombreuses menaces dans un espace d’insécurité éloignée de son territoire

-         Maintenir la confiance de ses ressortissants sur le sol africain, etc.

-         Déstabiliser puis agir en vue de remplacer un gouvernement hostile à ses intérêts

Face à cet état de fait, la position africaine est difficile. Le retard sur le plan militaire est évident. Quelques remarques significatives: lorsque plus de 75% de votre équipement militaire vous provient d’un Etat tiers, lorsque vos officiers sont formés et encadrés par un pays étranger, lorsqu’en termes d’intelligence militaire certains de vos officiers supérieurs et hauts fonctionnaires sont des agents étrangers, vous n’êtes pas en position de souveraineté.

On a beau avoir des femmes et des hommes valeureux, entraînés, expérimentés, cela reste insuffisant pour garantir la sécurité des populations africaines. Résultat, l’Afrique n’est pas en mesure de rompre de façon brutale l’emprise militaire des puissances occidentales. Pour ce faire, il faudrait que les complexes régionaux de sécurités soient mieux identifiés et coordonnés. Que l’intérêt commun soit identifié pour fusionner les capacités de défense au niveau régional. Or, pour considérer un cas simple, si le Sénégal, la Gambie, le Mali et la Guinée Bissau ont les mêmes intérêts du point de vue de la sécurité, leurs objectifs, leurs histoires, la nature de leurs régimes, mais aussi et surtout la personnalité de leurs dirigeants rendent impossible une politique de défense concertée. On remarque le même problème, à une autre échelle, d’où l’inefficacité des armées interafricaines.

Il y a des facteurs techniques et humains qui font que les pays africains doivent explorer d’autres approches stratégiques dans leur coopération militaire avec les Occidentaux. Il est important de développer la notion de veille stratégique dans nos politiques de défense au plus haut niveau. Analyser la géopolitique internationale sur le long terme et profiter avec la ruse nécessaire des différentes positions. Des pistes existent. La première et la plus urgente étant une pression coordonnée pour un siège au conseil de sécurité de l’ONU. Cette option reste soumise à une acceptation de tous les chefs d’Etats africains d’un projet fédéral africain. On en est loin.

Mais l’orientation la plus plausible et la plus importante à mes yeux, est le développement d’une culture de la paix, axée sur la prévention de conflit et dans la diplomatie solidaire à l’échelle sous régionale. La volonté existe en Afrique il paraît. Et j’ai remarqué chez mes collègues africains un optimisme plutôt contagieux, eu égard à l’agenda de l’Union Africaine et du NEPAD concernant le volet sécurité. Le concept OOTW (Other Operations Than War) mérite une large part dans le budget de défense de chaque pays africain. Parce que leur dispositif coercitif est quasi-inopérant, pourquoi ne pas travailler davantage en amont pour garantir la stabilité et prévenir les conflits ? C’est de loin, à mon avis, le plus grand défi sécuritaire que nous avons.

 

M. le président Compaoré, maintenant il faut partir!

 

Nous qui nous sommes éveillés au «panafricanisme postcolonial» avec la figure charismatique de Thomas Sankara, nous aurons toujours un vieux contentieux avec le Président Blaise Compaoré. Il incarne à nos yeux la main qui a étouffé dans l’œuf le projet d’une expérience sociale et politique unique en Afrique. Peu importe que ce fût une douce rêverie ou pas (ce que nous ne saurons jamais), peu importe de savoir si Sankara n’aurait pas fini par nous décevoir comme d’autres révolutionnaires sans lendemain. Blaise Compaoré,  à nos yeux, est celui qui a éliminé l’un des rares héros positifs de l’Afrique contemporaine. Ces mythes vivifiants dont nous avons si cruellement besoin. Nous vivrons toujours son coup d’État et sa mainmise sur le Faso depuis 27 ans comme une anomalie de l’histoire.

Il est vrai que le putschiste s’est racheté une virginité politique en troquant le treillis contre le costume. Il a même acquis une certaine respectabilité en faisant office de médiateur lors de certaines des nombreuses crises africaines. Sous Compaoré, cahin-caha, le Burkina s’est doté d’un environnement politique propice à l’expression de la volonté populaire. Bien entendu, on se gardera de donner une once de satisfecit à Blaise Compaoré ou à son entourage de l’ODP/MT au CDP surtout quand on pense aux nombreux assassinats politiques et aux morts sordides qui n’ont jamais été élucidés; le plus célèbre étant la disparition du journaliste Norbert Zongo en 1998.

Non, il est peu probable que le président Compaoré reste dans l’histoire comme un grand compagnon de la démocratie. Mais, s’il existe aujourd’hui au Faso une opposition forte et à mesure d’ébranler le socle de son propre pouvoir, on peut estimer qu’il y est pour quelque chose. Compaoré a ouvert son pays au multipartisme et a accompagné les réformes constitutionnelles qui, aujourd’hui, donnent une configuration politique a peu près normale au Faso. Un Compaoré peut-être contraint par le souffle irréversible de l’histoire, mais quand même.

Après le coup de force de 1987, les mandats présidentiels contestés depuis 1991, la pilule de 2005 que nombre de Burkinabè ont eu du mal à avaler,  le président Compaoré a même l’occasion maintenant de  mériter définitivement la dignité des hommes intègres. Un premier rendez-vous avec l’histoire avait eu lieu en 2005. Le Conseil Constitutionnel avait jugé non rétroactif l’amendement limitant les mandats présidentiels. Et le Burkina a supporté encore une décennie de « compaorisme ». Mais 2015 s’annonce comme la fin de la blague, Monsieur le Président. On ne peut pas éternellement interpréter dans le sens de sa Majesté un texte qui dit ceci : « Le Président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois. »

L’article 27 de la constitution burkinabè se pose aujourd’hui comme la balance de Maât de Blaise Compaoré. Si le président use de son influence pour que ses partisans ne traficotent pas un texte dont ils ont fini d’essorer la charge connotative, il ne sera certes pas absous, mais au moins, il aura donné un motif d’espoir pour l’avenir de tout un continent. Car c’est cela qui se joue en ce moment à Ouagadougou, alors on nous pardonnera de parler directement à Son Excellence. Parce qu’en tant que Sénégalais, nous avons failli, il y a peu, payer l’entêtement d’un homme à ne pas vouloir entendre le son du glas.

Monsieur le Président, vous avez toujours refusé de dire clairement vos intentions à la fin de votre présent mandat. Vous laissez planer depuis trop longtemps le doute quant à votre avenir politique.  Votre mission vous tient encore peut-être à cœur, mais croyez-le, vous en avez suffisamment fait. Maintenant, il faut partir. Pour que 2015 soit l’année de toutes les célébrations, pour que votre beau pays tourne enfin la page des capitaines-présidents, pour que les jeunes Burkinabè nés dans les années 90 voient autre chose que votre beau visage à la télévision.

Le peuple burkinabè semble désireux de s’ouvrir une autre ère. Cela se fera avec ou sans votre consentement, car vous n’êtes pas éternel. Votre armure est en train de se fissurer comme vous avez pu le constater avec les manifestations récentes et à travers  la création récente du MPP qui ne sont pas des signes anodins.

Monsieur le président, beaucoup ont douté de la légitimité de votre entrée sur la scène de l’histoire; aujourd’hui vous avez la responsabilité morale de ne pas rater votre sortie. La seule manière de le faire est finalement d’être cohérent dans votre recherche de crédibilité et ce n’est pas en vous accrochant au pouvoir que vous allez y parvenir.

Partez parce que la Constitution actuelle du Faso vous le demande. Partez parce que 27 ans ça suffit.

 

ETERNELS IMBÉCILES (CENTR)AFRICAINS

Voici l'oeuvre de la foi et du patriotisme
Voici l'oeuvre de la foi et du patriotisme 
 
C’est la faute de la colonisation et de l’impérialisme occidental si l’Afrique est aujourd’hui la pire plateforme d’instabilité politique du monde. Peut-être. Mais il arrive un moment où on doit tout de même faire face à la triste réalité de ses propres turpitudes.
On ne peut pas éternellement accuser les autres. Si cette terre magnifique africaine qui est la nôtre est habituée au chaos, les premiers responsables sont à chercher parmi nous. Quand l’Ivoirien Alpha Blondy évoque les Algériens qui égorgent les Algériens, les Somaliens qui fusillent les Somaliens, les Rwandais qui « génocident »  Rwandais,  les Burundais qui découpent les Burundais, les Congolais qui massacrent les Congolais et les Angolais qui brûlent l’Angola, il n’y a pas de catalogue plus réaliste des méfaits imputables en premier lieu à ces « imbéciles » qui partagent notre identité et nous causent du tort. On parle de l’image négative de l’Afrique dans le monde. On fustige les clichés racistes et condescendants sur les Africains. Certes. Mais quand j’observe la violence chronique qui secoue le continent en général et la Centrafrique aujourd’hui, j’en veux à tous ces imbéciles qui n’ont pas compris que le monde entier évolue sauf eux. Je leur en veux parce que leurs errements déterminent ma relation au monde.  On m’identifie à eux, je dois toujours me justifier en tant qu’Africain…en leur nom. Nous sommes au 21ème siècle et tout le travail que de grands Africains ont fait pour réhabiliter ce continent, restaurer sa dignité dans le monde, est fichu par terre tous les quatre matins par des va-nu-pieds dont l’intelligence est inférieure à celle d’un poulpe.
On nous explique que les interventions françaises en Centrafrique, voire récemment au Mali et naguère en Côte d’Ivoire sont des ingérences manifestes dans des affaires africaines et une illustration du néo-colonialisme françafricain. Certes. Mais la France risque-t-elle d’intervenir au Québec pour les mêmes raisons de paternalisme colonial ? Et pourquoi est-ce seulement en Afrique que l’on se pose cette question ?
Ce qui s’exprime dans ce papier, c’est la mise à distance de deux systèmes de valeurs (ou plutôt de leurs résidus) qui vont à terme détruire purement et simplement l’Afrique. Ces deux systèmes aux noms desquelles les centrafricains sont en train de saccager leur pays s’appellent la religion et la nation. Si nous ne mettons pas plus de raison dans notre compréhension de ces « croyances » nos peuples disparaîtront de la surface de la terre comme une bande végétale sous une coulée de lave. Les Africains que nous sommes sont en train lentement mais sûrement de construire les conditions de leur propre éradication, en rendant indiscutables les concepts de foi et de patriotisme.
Des Africains qui se disent Musulmans et Chrétiens, des Africains qui se disent patriotes n’ont d’autre réponse que la violence dès que se manifeste un discours ou une attitude contraire à leurs certitudes. Au nom d’appartenances qui, si l’on considère la longue durée historique, non seulement sont récentes, mais ont semé mort et désolation depuis leur adoption par les masses africaines. Si les religions chrétienne et musulmane sont synonymes de négation de l’autre et du droit à la vie, on peut et on doit, au nom de l’Afrique majuscule, au nom de l’humanité, s’en désolidariser sans mauvaise conscience. Il en est de même pour l’amour de la patrie. Les drapeaux nationaux ne sont rien de plus que des instruments de propagande et d’endoctrinement, parce que l’empathie pour les êtres est une bien plus grande valeur et la seule qui mérite une adhésion inconditionnelle. D’un point de vue moral, aucun État africain ne vaut la peine de sacrifier sa vie ou celle d’un autre Africain. Pour la simple raison que ces États sont des fabrications coloniales et que leur seule façon d’exister aujourd’hui est un commun vouloir de vivre commune. Les défendre au prix de la vie, c’est un aveu de faiblesse historique et une absence de maturité totale. Cela revient simplement à valoriser le legs colonial au delà de notre héritage commun. Il s’agit là d’une aberration sans nom. Finalement, le patriotisme est une religion comme les deux autres. Il est peut-être bon d’en user, mais il est assurément néfaste d’en abuser.
Aucune divinité n’est à la base de l’exclusion. La religion n’a de sens que si elle concoure à notre élévation morale. Et on peut douter de celle des fossoyeurs qui sont en train de creuser la tombe d’un pays et à terme celui d’un continent, là-bas en Centrafrique.  Mais comme d’habitude, il sera toujours bon ton d’accuser les Français qui pendant ce temps se construisent un destin européen, eux.

 

IL FAUT DÉFENDRE LA LUTTE SÉNÉGALAISE

Victoire de Yekini (à gauche)  contre Tyson
Victoire de Yekini (à gauche) contre Tyson 

Je voudrais ici faire une petite analyse du phénomène de société qu’est la lutte sénégalaise. Si beaucoup de critiques faites à ce sport sont fondées, il semble utile de ne pas perdre de vue ses dimensions sociétales et économiques. Qu’est-ce que la lutte sénégalaise aujourd’hui ? Un sport de masse ? Un sport populaire ?  Quelle que soit la discipline ou le pays, lorsqu’un sport suscite l’intérêt des masses, le regard qu’on y pose gagnerait à être plus rationnel que condescendant.

Si l’on regarde ce que représentent le basketball, le baseball en Amérique du nord et à Cuba, le football en Europe et en Amérique Latine et le sumo au Japon, on se rend vite compte que c’est sans commune mesure avec notre passion nationale pour la lutte avec frappe. À quelques exceptions près, il s’agit de véritables industries qui génèrent des milliards de francs CFA et dont les acteurs sont des dieux vivants. Même si à l’échelle sénégalaise les lutteurs symbolisent en apparence la réussite sociale paradoxale, donc imméritée,  sont-ils plus à blâmer qu’un Lionel Messi ou un yokuzuna japonais ? Au nom de quelle morale ? Pourquoi la jeunesse africaine devrait plus s’inspirer de Drogba que Yekini ? En  quoi El Hadji Diouf est-il un homme plus accompli que Yawu Diaal ? Pourtant, depuis quelques années, des moralisateurs et des censeurs de tous poils s’acharnent à dénigrer l’un des fleurons de la culture sénégalaise et ses représentants. Que reproche-t-on aux lutteurs ?

Un sport noble pratiqué par des roturiers 

On nous explique que ce sont des décérébrés violents, analphabètes dont la réussite est un mauvais exemple pour la jeunesse sénégalaise. On déplore qu’aujourd’hui les enfants se rêvent plus en Balla Gaye qu’en professeurs, médecins ou homme politique. Du coup, un sport qui incarne nos valeurs traditionnelles de courage, de créativités et  d’intelligence est aujourd’hui assimilé à une pratique de voyous, de dopés, dans laquelle seuls comptent les millions qu’on peut amasser. C’est regrettable !  Cette image d’épinal du lutteur est certes ce qu’est devenu l’arène sénégalaise. Mais il convient de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les brebis galeuses ne doivent pas fausser notre vision de la lutte qui passionne depuis toujours les Sénégalais.

En critiquant les lutteurs en général, on oublie vite qu’ils sont à l’image d’une société  où l’argent a plus de valeur que le savoir ou le savoir-vivre. Environ, 63% de la population sénégalaise qui ne sait ni lire, ni écrire,  voilà le vrai problème, dont la lutte, comme le football il y a quelques années, ne sont que des révélateurs. Il faut alors pointer la faillite des différents gouvernements qui n’ont pas réussi à offrir un système éducatif performant. Pratiquer la lutte en soi n’est pas mauvais. C’est un sport. Notre organisme s’en fiche de savoir quel sport nous pratiquons si nous la pratiquons comme il faut. De même, lorsqu’on devient une référence dans la voie qu’on s’est choisie, on devient la fierté de sa communauté. Une société saine produit des sportifs sains. Une société inculte a plus de chance de produire des sportifs incultes.

La lutte doit pouvoir aider à construire un citoyen. Comme les arts, le sport a cette capacité d’ouvrir des voies alternatives pour l’accomplissement des talents hors des circuits traditionnels. Et encore « traditionnel » n’est pas un mot juste puisque les Etats dignes de ce nom offrent des dispositifs à l’école ou ailleurs pour que les jeunes puissent avoir une pratique artistique et sportive saine, et développer leur créativité. Tout le monde ne sera pas ministre ou ingénieur. Si les qualités d’excellence sont encouragées à tous les niveaux, la jeunesse sénégalaise peut réussir partout où elle en aura l’opportunité. J’ai plus d’admiration pour un excellent lutteur que pour un infirmier médiocre. Si dans le système éducatif nous avons les moyens d’inclure le sport, l’art, l’artisanat ou d’autres pratiques de savoir-faire, si à la fin des cours, l’école devenait un espace d’apprentissage ludique, peut-être qu’il y aurait des chances supplémentaires de mieux éduquer les jeunes et de réduire le chômage à long terme.

Le Mbër est un citoyen modèle

Il n’y a pas longtemps, un directeur d’école a refusé que des lutteurs viennent s’entraîner dans son établissement. Imaginons le schéma suivant. Chaque écurie de lutte établie dans un quartier organise des entraînements auxquels des élèves peuvent participer. Après tout, la lutte est un sport. Ces lutteurs sont mobilisés pour intervenir dans les classes et discuter avec les jeunes des problèmes de délinquances, de tabac, de dopage, de santé publique, etc. Les municipalités font signer des contrats aux lutteurs pour encadrer des activités extra-scolaires avec des responsabilités et un devoir d’exemplarité. C’est à mon sens plus utile que de les ostraciser. Les sportifs auront toujours une influence sur la jeunesse. Bonne ou mauvaise. Zidane a arrêté l’école en cinquième et pourtant il a inspiré des millions de jeunes. Maradona n’a jamais été un modèle sur le plan moral, mais sa fondation, Juguemos Juntos est reconnue d’utilité publique. Pelé est devenu ministre des sports dans son pays en tapant sur un ballon de football. Ne peut-on pas donner un rôle social important à ceux qui se sont accomplis dans leur domaine ? Un État doit s’intéresser à l’expertise et aux qualités humaines de ses ressortissants. Sans a priori.

Bien sûr, il y a lutteur et lutteur. Il y a aujourd’hui un impératif que tout le monde reconnaît : il faut assainir le monde la lutte. Ceci est la responsabilité d’une fédération nationale de lutte dont on ne comprend toujours pas l’inexistence. Ce n’est donc pas le sport en lui-même qui est en cause, c’est son organisation. Il faut rompre avec la corruption de ce sport, dont les responsables sont plus à chercher au CNG, chez les promoteurs, dans la presse nationale, chez les marabouts, etc. Les lutteurs ne sont pas les premiers porteurs d’une telle révolution culturelle.

Ils ont tort d’incarner un système qu’ils n’ont pas mis en place. Comme tous les sportifs du monde. Sauf qu’ailleurs dans le monde, on essaye de tirer le meilleur parti possible des rêves et de la passion qu’ils suscitent. La démagogie qui consiste à tirer à boulets rouges sur les lutteurs n’enlèvera pas le fait que la grande majorité des Sénégalais sont passionnés par ce sport et que les problèmes qu’ils charrient sont les mêmes dont souffre la société en général, avec ou sans lutteurs. Alors, essayons de construire un Sénégalais meilleur et les lutteurs seront alors de vrais modèles.

 

Minibluff the card game

Hotels