TERANGA
Qu’est-ce que tu fais Dadis dis-donc?
Au peuple frère de Guinée,
Pour une vraie démocratie
Qu’as-tu fait Guinée pour que Dieu te donne
Ce Don Dadis dépourvu de discernement
Dis-moi Doudou Dadis connais-tu Ubu ?
Cruel comme Amin Dada
Complexé façon Caligula
Colère dantesque, dérapages discontinus
Dadis chéri d’Ubu t’as pas le vécu
Grand dadais de vert vêtu mais
Tu partages le tutu
Pars Dadis part avant que le drame n’arrive
Pars Dadis pars avant que la mort ne rattrape
Pars Dadis pars avec que la Guinée ne meure
Pars Dadis pars tu en seras grandi
Pars Dadis pars il n’est pas trop tard
Je doute du dadisme, mortelle copie
De destins africains commencés dans un taudis
Parachevés dans des palais damasquinés du sang citoyen
Tu es arrivé « sans effusion de sang », il t’a fallu peu pour te tacher les mains
Tu dégaines à la vitesse d’un dragster
Ta dague découpe de façon dissymétrique une démocratie déjà en lambeaux
Ose dire Dadis que c’est faux
Dis-moi que tu es cool comme le dalaï-lama
Je te citerai cent noms disparus disloqués par tes sbires
Pendant que toi
Tu règnes en ton palais sans daigner écouter la voix du peuple
Tout discours discordant discuté dénigré disqualifié
Par sa majesté dans son Dadis show taillé sur mesure
Délire additionnel alourdi d’applaudissements de corrompus
Conditionnés pour cautionner la connerie
Pars Dadis part avant que le drame n’arrive
Pars Dadis pars avant que la mort ne rattrape
Pars Dadis pars avec que la Guinée ne meure
Pars Dadis pars tu en seras grandi
Pars Dadis pars il n’est pas trop tard
Tam-tam qui bat dam dam
Ramdam sur la guinée dam dam
Et les daltoniens s’amènent insensibles au danger
Etourdis par le salmigondis d’une clique de daubes, de bandits
Qui risquent de disjoncter disloquant leur pays avant de disparaître
Laquais férus de discipline qui nous dépriment de façon discontinue
Pour se disculper d’une incompétence mal dissimulée
Dix plus sept paltoquets derrière
Dix-sept causes de dyspepsie
Dadis devant ébaubi par le trône
Vide comme un hourdis
Dadis qui étale son étourdissant manque d’érudition
Et méprise qui ne porte pas le béret rouge
Dadis détourné du droit chemin
Dadis démasqué par son inconséquence
Dadis dénoncé par la dissidence
Dadis qui trace un sillon de sang
Dis donc tu me donnes mal au crane
Pars Dadis part avant que le drame n’arrive
Pars Dadis pars avant que la mort ne rattrape
Pars Dadis pars avec que la Guinée ne meure
Pars Dadis pars tu en seras grandi
Pars Dadis pars il n’est pas trop tard
(Los Angeles, le 20 octobre 2009)
Comédie musicale HAIR…le scandale fait sens.
Hier c’était Broadway pour voir le revival de Hair. Le moins qu’on puisse dire c’est que le spectacle a retrouvé une seconde jeunesse. Il y avait tous les ingrédients d’une bonne comédie musicale avec des acteurs talentueux (bons chanteurs, excellents danseurs), une musique parfaitement dirigée par la jeune et délicieuse Nadia Digiallonardo.
Bien sûr, la culture hippie relève aujourd’hui- pour certains- davantage d’une forme de snobisme nostalgique que d’un véritable projet social, mais Hair n’a rien perdu de sa puissance contestataire et de sa dérangeante actualité. Dans la salle feutrée du Al Hirschfeld Theatre sur la 45ème rue, j’ai eu le temps de méditer sur l’expression d’une contre-culture toujours utile à secouer les évidences de notre société sous contrôle et à griffoner quelques commentaires rapides.
D’abord, le thème du pacifisme porté par Hair est toujours comme un sale petit caillou dans la sandalette de l’Amérique du 21ème siècle. Certes, Bush le va-t-en guerre a été neutralisé par une retraite bienvenue, certes Barack Obama ouvre une nouvelle ère diplomatique pour l’Amérique, mais au fond, la vision du monde reste encore très verticale pour la puissance étatsunienne. Donc voir cette racaille sur scène se moquer de la bannière étoilée et appeler à « Burn the draft card » a quelque chose d’utile et de réconfortant. L’armée reste l’institution la plus respectée en Amérique, au dessus de toute remise en cause. A cela s’ajoute un patriotisme à fleur de peau qui rend suspect tout appel à refuser de porter les armes pour « défendre la nation ». Comprendre le langage de Hair, c’est voir dans ce message pacifiste passablement naïf, voire imbécile, la volonté plus diffuse de maintenir le débat sur l’assassinat légalisé que constitue la guerre. La violente sarabande contre la non-violence continue ici de heurter l’Amérique bien pensante, c’est sûr.
Hair c’est aussi le dépassement des clivages raciaux et culturels. Est-il besoin de rappeler que ce fut le premier spectacle qui donna réellement aux Afro-Américains droit de cité à Broadway ? Un tiers des personnages de Hair étaient Blacks, ce qui fit dire a Ebony Magazine ceci : “the show was the biggest outlet for black actors in the history of the U.S. stage”. L’intérêt de la thématique afro-américaine dans Hair, c’est que les rôles ne sont pas stéréotypés. Quand Hud est proclamé « Président of the United States of Love », on se dit que Obama n’est définitivement pas le premier. D’ailleurs, dans le second acte, le clin d’œil présidentiel d’un Abraham Lincoln femme et black a une autre portée symbolique. On pourrait multiplier les exemples. Cela va des emprunts argotiques aux slogans anti-racistes qui fleurissent la scène. Les références raciales dépassent cependant la question noire. Le casting lui-même est multi-ethnique et très éclectique. D’ailleurs je crains que le vocable multi-ethnique ne sied pas vraiment à la tribu de Hair. En fait elle serait davantage l’expression d’une identité transculturelle ou même, pour aller plus loin, d’une communauté a-culturelle comme celle qu’évoque Agamben avec sa théorie de la singularité quelconque (lire La communauté qui vient, paru chez le Seuil en 1990) ou encore Toni Negri dans son fondamental Empire ou dans Multitude ou (avec Michael Hardt, ed. Exils, 2000, La Découverte 2004). Oui on peut évoquer des communautés culturelles dans Hair et même en rire (les personnages ne s’en privent pas), mais les spectateurs les dépassent d’autant plus facilement que la tribu apparaît avec une structure identitaire propre. C’est une communauté en elle-même différente dans sa multiplicité. Quand le double de Margaret Mead intervient dans la pièce, l’anthropologue a ici affaire à une « ethnie » qu’elle soumet à la même grille de lecture scientifique que n’importe quel autre groupe culturellement différent. D’ailleurs un des personnages « normaux » le dit : ils ne sont pas comme nous.
Le personnage de Mead aussi est interessant en ce sens qu’il est transgenre. Le spectateur découvre, complice (puisque son mari Hubert n’est pas au courant),que Madame Mead a un zizi.
Cela aussi est un thème important de la pièce. Une sexualité débridée, décapante, ordurière…A vous faire regretter par exemple d’avoir invité vos enfants à venir voir la pièce avec vous. Ça copule dans tous les sens (vraiment) à tous les niveaux et le pire, c’est que c'est brutal, sauvage, primitif. C’est aussi ça la pierre angulaire de Hair. Choquer la morale en imposant le règne de l’individu sur l’institution. Or cet individu existe avec son corps, son sang, sa chair, son sexe. Un corps qu’il refuse de compromettre au service d’une cause idéologique autre que celle de l'amour.
Je n’ai pas été choqué de voir tous les personnages à poil à la fin du second acte puisque je m’y attendais de toute façon. L’expression de ces corps entièrement dévêtus sur scène a même quelque chose de proprement authentique et fascinant. Quand tous ces corps nus apparaissent, certains bien galbés, d’autres flasques et gras, quand sous la lumière crue on voit ces entrejambes tous différents dans leurs tailles, leurs structures, leurs coupes pubiennes, on en oublie la dimension érotique pour se concentrer sur les enjeux de la biopolitique (je suis sérieux).
En effet, la libération sexuelle en elle-même n’est pas vraiment un débat dans Hair. Je veux dire par là que les orientations sexuelles des personnages n’interpellent vraiment l’analyse du spectateur (tout le monde couche avec tout le monde, comme cela c’est réglé). De même, la dimension morale de la pratique sexuelle ne peut pas faire question. On adhère ou on rejette. La chanson « sodomy » interprété par un personnage christique est un mélange scandaleux entre sexe et spiritualité qui se suffit à lui-même. Mais la question qui sous-tend cette orgie monumentale qu’est Hair, c’est que signifie le vivant ? Quelle vérité profonde peut jaillir de l’articulation entre la parole et l’attitude du corps comme production discursive. La contestation des institutions qui sont l’expression du pouvoir et non l’Etat comme phénomène centralisé, c’est avant tout, porter en soi, à travers le corps vivant, mis à nu, la signification de ce discours. Les corps parlent dans Hair, et ils parlent le même langage que les voix articulées. Les Anciens faisaient bien une différence entre « éthos » et « èthos ». le second vocable étant davantage un état d’âme, une disposition psychique si on veut. C'est-à-dire que le discours de l’èthos, c’est celui du caractère. Pour faire simple, c’est ce qui dans le comportement traduit le caractère de l’individu et sa dimension morale. Est-il un être généreux, courageux, vil, lâche ? L’image qu’il véhicule par son discours, c’est cela l’èthos. Pour faire encore plus simple, c’est la façon qu’on a de s’habiller, de se comporter, de manger, de dire ou de faire. L’èthos détermine en réalité la crédibilité du discours. Dans une société de contrôle comme la nôtre, l’èthos intervient comme la façon d’agir plus ou moins en conformité avec ses idées. Ce qui est intéressant ici, c’est que le comportement lubrique des personnages est en lui-même une parole, qui rejoint, complète, celle articulée sur la liberté des corps. En somme, il ne faut pas se contenter de dire « je nique la société », il faut littéralement joindre l'acte à la parole pour être en adéquation. Les corps qui s’expriment dans Hair sont des corps libres, hors contrôle. C’est un peu le discours porté par Diogène, par exemple, et toute la bande de dégénérés connus dans la philosophie occidentale sous le nom de Cyniques. C’est à mon sens ce qui confère la charge scandaleuse à la pièce. Si vous essayez de jouer Hair en Afghanistan, vous comprendrez plus facilement la mesure de ce que je cherche à exprimer. Et pas seulement pour des raisons religieuses puisque Hair est d’abord une critique de la régulation des corps, une attaque en règle de la société de l’ordre et de la bonne conduite.
On pourrait multiplier les grilles de lecture : la musique elle-même, la disposition scénique ou plutôt l’éclatement de la scène, le jeu des acteurs, les textes, l’improvisation (Ryan Link hilarant dans le rôle de Berger), l’influence de Shakespeare, les Amérindiens, l’écologie, la drogue, …Bref, c’est un spectacle plein et plein de sens. C’est un spectacle qui sous ses airs potaches continue d’interroger notre système moral et nos certitudes idéologiques. Ce, malgré la fin de la guerre froide. Peut-être même plus à cause de cela.
J’ai aimé ce spectacle et je n’exclus pas d’y retourner pour nourrir ma réflexion sur le mouvement altermondialiste aujourd’hui. Pour me rincer l’œil ? Mais non, voyons !
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BRUCE SPRINGSTEEN CHEZ LES GIANTS
y avait du feu partout... |
La semaine dernière U2 avait laissé bien des corps exsangues en ces mêmes lieux. Ce 30 septembre, pour le premier de la série de concerts que « The Boss » donne à la maison, cela sentait bon les santiags, les jeans usés et la sauce barbecue. Ils étaient là, les stéréotypes de l’Amérique profonde, mais aussi des aliens complètement perdus dans cet immense temple du football américain. A cet endroit même que les Giants et les Jets vont bientôt abandonner pour le New Meadowlands, à quelques mètres de là. Bruce Springsteen qui avait déjà investi le stade mythique pendant dix nuits de suite en 2003 a décidé de lui faire ses adieux pendant cinq nuits jusqu’au 9 octobre.
Moment de grâce absolue. Alors que les premiers frimas de l’automne commencent à se faire sentir, Le E Street Band arriva sur scène bien décidé à nous embraser avec un projet de performance connu d’avance : jouer entièrement des albums choisis au préalable. Le thème du soir était l’album « Born To Run » sorti en septembre 1975 (j’avais dix mois !). La surprise du jour pour tous ceux qui étaient là, a été d’entendre une chanson spécialement conçue pour l’occasion : « wrecking ball » (boule de démolition, référence explicite au stade qui va être rasé). Dans son style quasi-narratif, Bruce y retrace un peu sa trajectoire d’artiste. « J’en ai vu passer et revenir des champions, dit-il ». Ce que j’ai retenu de cette chanson, et du reste de la soirée d’ailleurs, c’est cette communion extraordinaire entre le chanteur et ce peuple d’Amérique qu’il aime tant. Personne ne saurait décrire la manière dont les fondations du vieux stade ont tremblé quand il chanta ceci : «My home is here in the Meadowlands/Where mosquitoes grow big as airplanes/Here where the blood is spilled and the arena is filled/And Giants play the game» (C’est mon chez moi ce Meadowlands (le nom officiel du Giants Stadium)/ Où les moustiques atteignent la taille des avions [ceux qui ont l’expérience des lieux savent que les avions survolent régulièrement l’endroit à cause du Liberty Airport tout près]/ Là où le sang ne fait qu’un tour/ Quand l’arène remplie/ Les Giants se mettent à l’œuvre). On entendit monter des travées dès cris qui pour l’oreille profane ressemble à des huées…Un long « Bruuuuuuuuce » déchira la nuit déjà pleine de décibels. C’était partit. Des huit chansons prévues, plus quelques-unes si affinités, on passa une soirée à 29 chansons (si si je vous promets !) soit 3h 10 d’un show qui sera sans doute légendaire.
J’ai aimé beaucoup d'autres choses dans ce concert. D’abord, la scénographie dépouillée, à l’ancienne, qui place le niveau de performance à l’aune de l’inspiration des artistes. Pas d’effets spéciaux à tire larigot, pas de surplus manipulation électronique pour en mettre plein les yeux…Juste ce qu’il faut : les textes de la chanson inaugurale, quelques allonges de lumière et un feu d’artifice authentique au milieu du concert. J’ai aussi aimé la proximité. Quand Bruce qui a fêté ses 60 ans le 23 septembre raconte le rêve incroyable qu’il a fait, rentrant à la maison, trouvant tous les parents là, avec un énorme gâteau et 60 bougies dessus. Hilarité. Emotion. Quand il fait monter un jeune garçon complètement abasourdi pour reprendre les paroles de « backstreets ».Quand il embrassa ce même garçon en lui frottant vigoureusement sa tête de cabochard, comme on le ferait avec son neveu. Quand il invita une dame à danser la gratifiant d’un « big hug » à l’américaine pour la remercier. Quand il vola un gobelet de bière à un fan et le descendit cul sec en chantant. Quand il piqua un sprint à travers les fans hystériques pour aller s’effondrer sur la scène et reprendre son souffle. Quand il dit merci aux gens, à ses gens d’être venus. En voyant tout cela, je m’imaginais aisément ce qu’ont dû être les années 60…On est loin des stars gros melons qui chantent avec un balai planté là où il ne faut pas et qui prennent pour des extra-terrestres.
Je ne suis pas un fan absolu des E Street band, mais j’aime leur statut de groupe militant, leur façon de vraiment considérer la scène comme un lieu de joie et de célébration. Vous auriez dû voir « the Big Man » Clemons, avec son manteau noir, son chapeau, ses doigts vernis d’or sur son saxo. Un délice visuel. Et Bruce s’amusant comme un fou et expliquant son bonheur d’être là par des mots simples. Et son complice Steve Van Zandt faisant le fou (on se demande s’il ne l’est pas vraiment) entre deux accords déments. Et Patti Scialfa, toujours magnifique. Tout le monde a assuré. Même le public qui a chanté un émouvant happy birthday pendant que les lampions s’étaignaient. Et ce « Bruuuuuce » qui a ponctué presque tous les morceaux. Et ce feu d’artifice. Waaaouh ! Happy Birthday Boss !
La performance de mercredi soir : Wrecking Ball; Seeds; Johnny 99;"Atlantic City""Outlaw Pete""Hungry Heart""Working On a Dream""Thunder Road"
"Tenth Avenue Freeze-out""Night""Backstreets""Born To Run""She’s the One""Meeting Across the River""Jungleland" Waitin’ On a Sunny Day""The Promised Land""Into the Fire""Lonesome Day""The Rising""Badlands""No Surrender""Raise Your Hand""E Street Shuffle""Growin’ Up""American Land""Dancing In the Dark""Hard Times""Rosalita (Come Out Tonight)"
Les dates à venir: 2-3 ; 8-9 octobre
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« Abdoulaye Sadji, parrhêsia et subjectivation dans le discours intellectuel africain »
crédit photo Mustapha Boutadjine (c) 2000 |
Voici un large extrait de mon dernier article:
Abdoulaye Sadji (1910-1961) est un l’un des écrivains africains les plus remarquables par la densité de son œuvre et le courage de sa posture intellectuelle. Il est en même temps l’un des moins reconnus dans son rôle d’agitateur des consciences. Si quelques travaux pertinents lui ont été consacrés, cela reste sans commune mesure avec la littérature consacrée à ses certains de ses contemporains. On pourrait supposer que la fortune postérieure de Sadji a pâti de sa disparition prématurée dont la résultante serait une production littéraire relativement mince. Pourtant, à bien y réfléchir, Sadji est avec Senghor le plus prolifique des intellectuels sénégalais de sa génération. À la fin de sa courte existence d’auteur (1946-1960), il a laissé une œuvre qui comprend tout de même deux romans d’envergure (Nini,
LA VOLONTÉ DU DIRE VRAI
Michel Foucault a entamé une étude de la notion de parrhêsia lors de ses deux dernières années d’enseignement au Collège de France. Elle est abordée dès 1982 dans L’Herméneutique du sujet et sera approfondie dans Le gouvernement de soi et des autres[3], puis dans « Le franc-parler dans les monde grec et romain »[4]. Foucault y analyse ce qu’il appelle le « courage de la vérité», en s’appuyant sur l’Antiquité grecque, pour dresser une longue historicité du rapport à l’éthique de la vérité. Il s’agit de déterminer, « un point d’articulation entre la théorie et la pratique, entre le discours et les actes, entre les savoirs et les résistances »[5]. Foucault dégage plusieurs directions qui donnent sa valeur déontologique au principe de la véridiction. Il ne s’agit point de les réunir ici pour définir clairement ce qu’est la parrhêsia. Nous pouvons simplement nous appuyer sur cette précision que Foucault donne à ce propos :
La parrêsia, c’est très exactement ce qu’on pourrait appeler un des aspects, une des formes de la dramatique du discours vrai. Il s’agit dans la parrêsia, de la manière dont en affirmant le vrai, et dans l’acte même de cette affirmation, on se constitue comme celui qui a dit le vrai. L’analyse de la parrêsia, c’est l’analyse de cette pratique du discours vrai qui fait apparaître le contrat du sujet parlant avec lui-même dans l’acte du dire-vrai.[6]
Cette volonté de vérité oblige le praticien du dire vrai à défier plus ou moins ouvertement le corps social, en ce sens que cette vérité s’énonce comme un principe de libération de la conscience individuelle.
Parrhêsia signifie, dans l’une de ses traductions possibles, « liberté de parole », « liberté d’expression », « franc-parler » ? Dans son sens étymologique, parrhesia vient de pan rhein, qui veut dire « faire tout couler » : le terme signifie en quelque sorte « vider son sac », « tout dire », « ne rien cacher ». La parrhesia comme libre discours entretient un lien avec la dissidence : le parrhesiaste se lève contre le pouvoir de l’orthodoxie, contre les mensonges de la censure et de la propagande. La parrhesia consiste à dire courageusement la vérité aux puissants, au peuple, sur la place publique, en prenant des risques.[7]
Cette entreprise de véridiction apparaît de façon absolument remarquable chez les Cyniques par exemple, par un positionnement radical autour du courage d’être et son corollaire immédiat, une existence scandaleuse, parce qu’insoumise à la convenance. Il s’agit de valeurs (vie non dissimulée, vie indépendante, vie droite, vie souveraine) plus ou moins autonomes qui apparaissent dans le discours et dans les actes, s’entrelacent ou s’alternent dans la visée du dire vrai. C’est évidemment un choix délibéré qui intervient dans l’orientation du discours. Ce courage de dire est fondamentalement le principe sur lequel repose l’avènement de Sadji à la littérature ou, si l’on ose dire, de manière générale, l’émergence même de la littérature africaine écrite en français. La réaction au discours colonial prolongé, on le sait, par la littérature de l’exotisme, a été un acte fort, posé entre autres, dès les années 30 par les étudiants africains du quartier latin. Sadji fait partie de cette génération d’écrivains et son implication dans la remise en question des théories véhiculées par le discours colonial prend une valeur singulière, quand on sait que son action se développe à l’intérieur même de l’espace colonisé, là où le corps en dissidence s’expose le plus à la sanction. Son apport dans ce combat est analysé très pertinemment par Senghor.
Abdoulaye Sadji appartient, comme Birago Diop, au groupe des jeunes gens, qui, dans les années 1930, lança le mouvement de
La réappropriation du discours n’est pas un acte anodin, c’est une prémisse sinon à l’inversion des rôles, du moins au déséquilibre de la mécanique du système de domination. Selon Bourdieu, « les classes dominées ne parlent pas, elles sont parlées»[9]. Ce qui signifie que le discours de représentation de ces classes (ou sociétés) dominées est assuré de manière verticale par ceux qui les ont soumis et qui s’arrogent la propension d’exprimer à leur place, leur vision du monde. Par conséquent, l’acte de libération primordial réside dans le recouvrement de la parole confisquée. L’engagement pour l’élaboration d’un discours autochtone localisé confère à celui qui le prend une fonction résolument parrhèsiaste. En effet, le projet du dire vrai de l’auteur est directement confronté à la figure répressive de l’autorité, à la réprobation de la figure dominante (famille, pouvoir politique, autorité morale…).
[Il fut] le deuxième instituteur sénégalais diplômé de l’École Normale William Ponty à braver la quasi-interdiction que leur faisaient les autorités coloniales à préparer le baccalauréat, voulant ainsi les empêcher d’accéder à l’enseignement supérieur et les confiner dans une position subalterne d’auxiliaires colonisés […] Comme il n’y avait pas eu de seconde langue vivante étrangère à Ponty et que celle-ci était obligatoire pour passer le bachot (sic), il se vit contraint … de s’initier tout seul en quelque mois à la langue espagnole.[10]
Le destin ultérieur du bachelier Sadji est aussi significatif de sa posture de résistance, puisqu’une des raisons pour lesquelles il refusa d’aller poursuivre ses études en France, fut l’obligation faite aux rares boursiers africains d’intégrer l’école vétérinaire d’Alfort. Selon son biographe,
Abdoulaye Sadji dont la détermination à faire des études de Lettres et à passer plus tard l’agrégation était inébranlable, repoussa le diktat des autorités coloniales françaises et […] préféra renoncer à des études supérieures et rester au Sénégal comme instituteur.[11]
L’objection à la parole de l’autorité est très éloquente en ce qu’elle bouscule le dispositif de formation dans lequel se sont trouvés piégés beaucoup d’étudiants africains sous la colonisation. On assiste à l’affirmation d’une subjectivité individuelle qui résiste les injonctions du système institutionnel. Avant de se lancer dans la dissidence littéraire, Sadji conteste la légitimité de l’ordre établi par la colonisation. C’est en quelque sorte, l’une des quatre attitudes fondamentale que Foucault identifie dans l’action du philosophe qui se lance dans la véridiction (les autres étant l’attitude prophétique, l’attitude sagesse, l’attitude technicienne ou d'enseignement). Chez les Cyniques qui illustrent aussi cette attitude parrhèsiastique, il ne s’agit pas simplement de véhiculer un discours philosophique vrai, il s’agit de tenir le fait philosophique
« comme mode de vie, comme mode de vie manifeste, comme manifestation perpétuelle de la vérité [d’être prêt] pour dire la vérité, à s’adresser même aux puissants, même à ceux qui sont à redouter ».[12]
Les anecdotes de sa confrontation avec l’appareil colonial sont nombreuses et confortent chez Sadji une réputation d’ « élément subversif anti-français »[13]. On peut évoquer son refus de rejoindre une affectation qu’il juge « subalterne », après son échec au concours pour devenir inspecteur des écoles primaires. C’est cet épisode qui aboutit à sa nomination à la radiodiffusion de l’AOF[14], où, ironie du destin, il put continuer à saper les fondements du système colonial. La radio étant un dispositif permettant une prise de parole directe et incontrôlée dans un espace colonisé[15], elle devient pour Sadji un champ expérimental pour véhiculer des réalités culturelles et linguistiques autres. Il s’agit là, contrairement à la littérature écrite, d’un branchement direct sur la conscience collective à laquelle l’auteur cherche à s’adresser. On peut d’ailleurs noter que cette période allant de 1951 à 1956 fut une période d’intense créativité chez Abdoulaye Sadji. Rappelons ici l’importance de forme du discours chez l’auteur. Pour Sadji, la posture dissidente que son parcours biographique suggère très tôt, ne peut être cohérente que dans une adresse directe et sans ambigüité. Ses choix littéraires démontrent ainsi son souci de la parole efficace. Comme beaucoup de ses contemporains, il s’est essayé à la poésie avant de reléguer ce genre qu’il apprécie pourtant au rang d’activité récréative pour se tourner vers un langage plus « réaliste ». La charge subversive de la parole poétique étant plus subtile et permettant une dissidence moins frontale, on comprend que le pédagogue Abdoulaye Sadji se tourne plutôt vers la parole documentaire. On peut s’interroger sur le rapport entre Sadji et la censure, les activités journalistiques et pédagogiques étant alors étroitement surveillées par le appareil colonial. Si on en sait moins sur le journaliste et sa pratique, l’enseignant Sadji lui élabore très vite une stratégie de contournement que Guedj Fall décrit ainsi :
Sadji composait ses textes pour la classe de vocabulaire, d’orthographe et pour pallier les risques d’aliénation culturelle que véhiculaient des textes à la portée des élèves. La fiche de préparation pédagogique était une occasion de création littéraire. A Saint-Louis, à Louga, à Dakar, en Casamance dans la zone sud du Sénégal, chaque poste d’enseignement tient lieu de cadre d’une œuvre littéraire amorcée pour les circonstances de la classe pédagogique. Ses élèves étaient disséminés dans le pays ; pour des raisons de service, Abdoulaye Sadji allait vers eux ; ils trouvaient leur pâture dans les textes de circonstance ; ils s’enracinaient solidement dans les valeurs culturelles du milieu. Ils s’y reconnaissaient, ils apprenaient au travers des textes élaborés dans un autre contexte culturel, à admettre la différence des pratiques sociales, à ne pas être indifférents aux autres.[16]
Le projet anti-assimilationiste de Sadji apparaît comme plus radical que celui des tenants de
La problématique de l’identité ne peut se résoudre pour Sadji dans le compromis. C’est en ce sens qu’il s’oppose à son ami Ousmane Socé Diop et à Senghor sur la question du métissage. Ce que Sadji s’attache comme fonction, c’est celle de révélateur d’un langage autre, d’une parole résolument africaine. « Une vraie littérature propre à mieux faire connaître au peuple colonisateur le peuple colonisé », une « littérature réaliste qui fasse tomber la barrière des préjugés et des fausses croyances et dans laquelle le lecteur sénégalais se reconnaît »[18]. Il se montre très critique à l’égard d’une littérature colonialiste
Élevant le mensonge et la mystification en nouveaux dogmes littéraire, les écrivains de cette malheureuse école inculquent à leur peuple, et à ceux dont ils font une ignoble caricature, les ferments où naissent demain les haines et les incompréhensions. [19]
Cela fait-il de Sadji un dénégateur systématique à la culture occidentale? Assurément non, puisque le même personnage s’est montré un fervent admirateur de la culture germanique. Le souhait de Sadji c’est en réalité d’ébranler la structure bilatérale de la formation intellectuelle du colonisé sénégalais. L’intérêt pour la culture allemande peut-être vu comme une manière de mettre à distance une dialectique « culture française » vs « culture africaine » laissant supposer que l’ouverture au monde pour l’Africain ne passe que par l’accès à la culture française. Dans le désir affirmé de s’émanciper de la civilisation considérée comme celle de l’envahisseur, toute forme de civilisation prétendument concurrente devient sympathique[20]. Cette ouverture vers le germanisme, qui consacre l’élaboration d’une weltanschauung singulière, suggère un autre aspect de la pratique de véridiction chez l’intellectuel. Il s’agit de se maintenir hors de la dégénérescence de l’esprit de la révolte et de positionner sa parole dans une certaine actualité. L’affirmation perpétuelle des valeurs culturelles nègres à opposer au monde occidental est un des mauvais procès faits à
[1] Amadou Booker Washington Sadji, Abdoulaye Sadji, Biographie, Paris, Présence Africaine, 1997.
[2] Ibid., p. 10.
[3] Michel Foucault, Le Gouvernement de soi et des autres. Cours au Collège de France, 1982-1983, éd. établie sous la dir. de François Ewald et Alessandro Fontana, par Frédéric Gros, Paris, Gallimard / Le Seuil, « Hautes Etudes », 2008, 382 p. Pour la notion de parrhêsia chez Foucault, le lecteur pourra avantageusement se référer au second tome des Dits et Écrits ou écouter la série de lectures faites lors de son séminaire à l’université de Berkeley durant l’automne 1983 « Discourse and truth : The problematization of parrhesia (six lectures given at the University of California at Berkeley), oct-nov. 1983, J. Pearson (ed), 1985.
[4] Voir Michel Foucault, Dits et écrits, tome II, 1976-1988, Gallimard.
[5] Frédéric Gros, Foucault, le courage de la vérité, Paris, Puf, 2002, p. 7
[6] Michel Foucault, Le Gouvernement de soi et des autres, op.cit., p. 66. On retrouve plusieurs graphies du mot (parrêsia, parrhesia, paresia…). Nous employons le mot « parrhêsia » pour sa cohérence phonologique tout en respectant l’orthographe utilisée par les auteurs dans les citations faites ici).
[7] Gérard Leclerc, « Histoire de la vérité et généalogie de l’autorité », dans La construction sociale à l’épreuve, Cahiers internationaux de sociologie, n° 11, 2001- 2, pp, 205-231.
[8] Léopold S. Senghor, « Témoignage sur feu Abdoulaye Sadji » , à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, dans le quotidien sénégalais Le Soleil, février 1982, cité par Amadou B. W. Sadji, op.cit., p. 58.
[9] Pierre Bourdieu, « La paysannerie, une classe objet », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 17/18, p. 4
[10] Amadou B.W. Sadji, op.cit., p. 52
[11] Ibid.
[12] Foucault, op.cit., p. 319.
[13] Amadou B.W. Sadji, op.cit., p. 118-120
[14] Cette affaire qui nécessita l’intervention du député Senghor est narrée en détail dans la biographie de Sadji., op.cit. pp.124-134.
[15] Voir Hans Jürgen Lüsebrink, La conquête de l’espace public colonial. Prise de parole et formes de participation d’écrivains et d’intellectuels africains dans la presse à l’époque coloniale, Édition française, Montréal, Nota Bene, 2003, notamment pp. 125-141.
[16] Guedj Fall, « Religion et tolérance dans la vie et l’univers littéraire d’Abdoulaye Sadji », dans Littérature, philosophie et art, Ethiopiques, n° 77, 2ème semestre 2006.
[17] Frédéric Gros, opcit., p. 162.
[18] Abdoulaye Sadji, « Littérature et colonisation », dans Présence africaine, n°6, 1949, p. 140, cité par Béatrice Grobkreutz, dans Le personnage de l’ancien dans le roman sénégalais et malien de l’époque coloniale, Verl. Für Interkulturelle Kommunikation, 1993, Beyruth.
[19] Ibid.
[20] C’est une mise à distance très frappante que l’on retrouve aussi chez les intellectuels nationalistes bretons de la revue Gwalarn. D’ailleurs, concernant cette sympathie vis-à-vis de la culture allemande, le parallèle avec les intellectuels bretons ne s’arrête pas là. Comme ces derniers, certains nationalistes sénégalais accueillir favorablement l’Occupation allemande. Mamadou Dia, en témoigne dans ses Mémoires : « Quand Hitler a envahi
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MICHAEL JACKSON ANACHRONISME?
« Les créatures mutantes ne vivent pas au-delà de l’expérience. Lorsque par exceptionnel, elles le font, on les appelle des monstres » Moi-même
Nous sommes dans le bus M1, vers Harlem. Le bus est bondé, les gens se serrent, une journée d’été qui s’efface doucement sur Madison Avenue. Une conversation discrète, polie, plus qu’un murmure, une rumeur...Quand on sait la propension des Américains à libérer les décibels, la scène a quelque chose de surréel. Une dame qui demande : « … is dead ? ». On lui répond « Yeah »Sur le moment, nous n’entendons pas le pronom: He ? She ? On ne peut savoir, Farrah Fawcett est décédée ce matin…Mais la nouvelle d’une mort murmurée comme cela, une disparition presque chuchotée, comme si on ne voulait pas y croire, c’est nécessairement celle d’une légende. Dans un mouvement coordonné, nous sortons nos téléphones. Internet nous lâche l’improbable : « Michael Jackson Dies ». Incrédulité. Il faut confirmer. Nous multiplions les sources. En France, les gens dorment encore, la nouvelle est au conditionnel. Les journalistes doivent se dépêcher de rédiger leurs nécros, et comme dans la plupart des morts soudaines, aucune rédaction ne peut anticiper. Donc les pages ouvertes reprennent plus ou moins les mêmes données biographiques. On nous dit que le chanteur qui a rythmé nos jeunes années est né en il y a cinquante ans dans l’Indiana. On nous retrace sa monumentale carrière, ses déboires, son retour programmé et on termine par ce note unanime : Michael est l’une des plus grandes figures artistiques du 20ème siècle.
Je retiendrai un autre aspect de cet être fascinant. Sa représentativité identitaire. J’ai oublié de préciser que nos deux personnages dans le bus étaient une dame noire, un jeune homme Blanc. Dans cette Amérique « postobama », la symbolique n’est pas seulement raciale. Elle est l’exacte incarnation de l’identité hétérogène de Michael Jackson, ou plutôt de son hybridité transculturelle. Michael est l’une de ces icônes absolues qui dépassent les clivages communautaires et offre une image presqu’insolente de insaisissable appartenance. Il a même poussé au paroxysme cette mise à distance des marquages identitaires pour préfigurer une race d’humanoïde désincarné sans attache particulière à un genre ou à une race donnée. Ce n’est pas seulement sa couleur de peau qui interpelle. L’image de « l’androgyne parfait » qu’évoque Jean Baudrillard dans La transparence du mal, s’impose comme une déstructuration absolument intéressante de notre acception de l’humain. Ce n’est pas dire que Michael Jackson n’était pas un être humain, mais assurément, il était unique. Dans un article intitulé « Postmodernisme, multiculturalisme et political correctness », Régine Robin dresse un portrait pertinent de Michael qu’elle associe quelque peu à une identité postmoderne: « tout a été refait sur le corps de Michael Jackson. Ses cheveux ont été lissés, sa peau a été quelque peu blanchie, sa voix a été transformée de telle façon que tendant au « neutre », n’importe quel adolescent puisse s’identifier à sa personne. N’être rien pour être au plus près des traits de tous. N’être qu’une image potentielle, une image virtuelle, n’est-ce pas une des définitions du postmodernisme que cette labilité, ce potentiel, ce déplacement perpétuel, cette disponibilité qui ne peut s’actualiser que dans le présent, amnésique, immatériel, comme un écran d’ordinateur non relié à une imprimante. » Je ne vais pas revenir sur l’ambiguïté des tendances sexuelles de Michael, non pas que cela importe peu, mais parce qu’il y a autant à dire, sinon plus, sur son immatérialité raciale elle-même. Il ne s’agit même pas de dire que Michael n’était pas un Black (dans le sens militant de l’expression), puisque, bizarrement, il était l’une des figures dominantes de la communauté noire américaine. Comme ont pu l’être, Martin Luther King ou plus près de nous aujourd’hui Oprah Winfrey. Il ne s’agit pas d’une appartenance tapageuse, façon Mohamed Ali ou Black Panthers, mais il y avait comme une filiation tacite, une reconnaissance bienveillante entre l’Amérique noire et ce sujet à l’apparence incertaine. En ce sens, Barack Obama incarne aussi cette appartenance diffuse. Je me souviens aussi que parmi les monstres sacrés du Show Biz, Michael Jackson est l’un des rares a avoir visité et à avoir joué sur le continent africain qui ne présente pourtant pas un intérêt stratégique vital. D’ailleurs combien de « pop artist », qu’ils soient Blacks ou pas, ont daigné fouler le sol africain? Après avoir lancé le premier mouvement artistique d’envergure pour le continent, il avait plusieurs fois envisagé de s’impliquer contre le Sida ou plus récemment pour le Rwanda. L’engagement de Michael Jackson pour l’humanitaire en général n’a pas toujours été souligné, mais il était important. On se souvient de "We Are the World" (1985), "Man in the Mirror" (1987), "Heal the World" (1992), "Earth Song" (1995), "Cry" (2001), and "What More Can I Give" (2003), etc. Au delà de ce combat humanitaire, je crois, il y a une démarche identitaire intéressante à interroger.
Mais voilà, Michael Jackson n’était pas Noir. Du moins, il ne l’était plus. En tout cas physiquement. La vérité de l’artifice a été dans le cas de Jackson a été supplanté par une parole résolument universelle. La chanson « Black or White » apparait d’ailleurs comme le testament identitaire de l’artiste. Les motivations profondes de Michael dans sa mise à distance physique de l’appartenance m’échappent, mais dans cette chanson, en apparence si légère, il pose en toute innocence, les principes d’une humanité transraciale qui apparaît peut-être comme l’ultime aventure pour notre espèce.
« If You're Thinkin' Of
Being My Brother
It Don't Matter If You're
Black Or White»
Ce que Michael dit n’est pas une négation de l’appartenance (et là on pourra toujours dire que son corps vivant est une contradiction évidente à sa détermination), mais il avance l’idée qu’au fond, cela ne constitue pas le fondement ultime de l’humanité. En gros, que tu sois Blanc ou Noir, Arabe ou Chinois, on s’en fiche. Le discours n’est pas nouveau. Mais ce qui est remarquable en lui, c’est que finalement, il ait traduit ce discours dans la nudité du corps. C’est là qu’il sort du politiquement correct, c’est là qu’il devient provocateur, insaisissable et donc forcément intéressant. Rarement quelqu’un a pratiqué le dépassement comme Michael l’a fait. Trop Blanc pour les Noirs, pas Blanc parce que Noir, métrosexuel, androgyne, émotionnellement et sexuellement instable, Michael a fracassé les frontières avec une radicalité scandaleuse. D’ailleurs, culturellement, il donnait ce sentiment conjugué de distance et de proximité qui le plaçait dans la marge. Je ne suis pas sûr de son adhésion à l’Islam, mais son affinité avec le monde musulman a été plusieurs fois démontrée. On pourrait dire de même de son influence sur la culture postmoderne japonaise.
Finalement, Michael Jackson est pour moi une virtualité qui interpelle. Non pas juste un artéfact et une « chose » qui n’appartient pas en propre (il l’était aussi évidemment), mais une virtualité comme projet. Celle que Deleuze explique dans sa métaphore de la graine. Un type homme qui ne naît pas mais qui se construit, au propre comme au figuré. Un homme qui fout au sol la radicalité de l’héritage et qui s’octroie une place confortable entre les lignes. Cet homme-là est à positif. Absolument. Qu’il soit Noir, Blanc ou autre n’a pas d’importance. Je sais que les origines raciales de Michael et ce qu’il est devenu posent problème. Mais quand on aura dépassé le débat sur la validité de l’appartenance raciale, cet homme aura droit de cité. Et peut-être que l’on se demandera à ce moment, et seulement à ce moment-là, si Michael Jackson ne s’était pas trompé de siècle.
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Ce qui est drôle c'est que Dadis ne s'est pas tout opposé à la France. Au contraire, il a passé son temps à multiplier les déclarations pour rentrer dans les bons papiers de Paris de Paris. De même pour Washington...Et tu vois le bazar qu'ils ont fichu en Guinée? C'est parti pour un bon moment j'en ai bien peur. D'accord avec la remarque sur le développement de la Guinée. Amitiés
J'apprecie pas trop Dadis pour tes ses defauts qu'on lui reconnais tous. Mais la ou je me dis qu'il n'est pas le pire de tous c'est lui au moins peut dire non a la Mafia francaise et voire les defier quand les autres se la range bien au chaud pour eviter la confrontation. T'es surement pas tres fute Dadis mais tu as au moins le merite de dire a ces ... que la Guinee n'est pas l'arriere cour de leur petite cabane.
Mais arrange toi a partir, car ni toi ni la France ne peut developper la Guinee...